Le diacre entra de son habituel pas trainant. Il camoufla le sourire que ses lèvres esquissaient et salua le baron d’un raide signe de tête.
– Asseyez-vous mon Père, Asseyez-vous ! Votre onguent a fait merveille à la Cour. Et notre… humm Reine m’a disons souri lors du bal !
Le baron Erwen de Blathaig souriait.
– Vous êtes béni par le Béathacrann, Sire… Mais vous ne m’avez pas fait mander uniquement pour cela…
– Oui, oui… Voyez-vous, Léodegarius, j’aimerais fort qu’un certain chevalier tombât malade. Très malade. Et promptement…

Le bourg de Beloch, comme tant d’autres dans la baronnie de Blathaig, bénéficie de terres arables où poussent de nombreuses plantes introuvables ailleurs. Ainsi, ses paysans sont ravis de vendre leur production à prix d’obsius. Sa seule particularité est que son diacre lui-­même, Léodégarius, est un herboriste réputé. Ce sont donc tous les villages environnants qui viennent souvent réclamer son aide, ou quémander remèdes et baumes. Mais le diacre, bien que croyant convaincu, est loin d’être uniquement motivé par une éventuelle compassion qu’il se devrait de ressentir pour ses ouailles. Au contraire, son ambition est sans limite et c’est sans la moindre hésitation qu’il se sert d’eux pour arriver à ses fins. De même, il n’est pas rare qu’on lui demande de fabriquer des décoctions beaucoup plus nocives, voire carrément mortelles, contre monnaie sonnante et trébuchante – ce qu’il s’empresse de réaliser.
De rares fois, le diacre Léodégarius a du quitter sa charge pour accompagner les troupes de la baronnie, mais après chacune d’entre elles, les pires rumeurs circulaient sur lui. Pourtant, il est bien rare pour de superstitieuses recrues de médire sur un envoyé de l’Église…