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Histoire des Khalimans

Mai 22 alkemy_the_game  

L’ère des légendes

Lorsque les Architectes se séparèrent, Khalim partit vers le nord : selon Naash, il lui fallait se sacrifier pour donner vie à un peuple. Il arriva en un lieu qui lui plaisait : une paisible lagune, écrin de douceur entre les glaces septentrionales et le désert méridional. Khalim se rendit sur les îles centrales et s’y installa pour méditer en contemplant son reflet dans l’eau. Guidé par son inspiration, il façonna la terre meuble de la rive et en fit quatre vasques finement ciselées. Il les remplit d’eau, les disposa autour de lui, s’installa confortablement et commença à parler. Il parla ainsi, calmement, pendant plusieurs jours sans jamais s’interrompre. Il décrivait le monde, la beauté du printemps, les vertus de la force et de la bravoure, l’esthétisme de la vie… Au rythme de sa voix, l’eau des vasques se plissait d’ondes discrètes qui, au fil des jours, devinrent des rides frémissantes. Au sixième jour de ce monologue, alors que la voix de Khalim était toujours aussi posée, l’eau des vasques semblait bouillir. Au crépuscule du septième jour, l’Architecte prononça son dernier mot et tomba à terre, sans vie. Quatre formes félines nées de l’eau des vasques l’entouraient : elles étaient les quatre premiers Khalimans et se nommaient Khalid, Malikh, Sorhna et Suleman.
Pendant que ses trois frères bâtissaient une sépulture digne de l’Architecte éteint, Sorhna entreprit de consigner par écrit tout ce qui leur avait été dit durant ces sept jours. Elle remplit les vasques avec l’eau de la lagune et lut dans leurs rides l’écho des paroles de Khalim ; faute de support, elle rédigea ce témoignage sur sa propre peau, avec pour seule encre son propre sang. Ainsi fit-elle pendant de longs jours, se hâtant car sa vue faiblissait au fil de ses intenses efforts. Sept jours plus tard, les trois mâles avaient terminé le mausolée et y avaient inhumé celui qu’on appelait désormais le Prophète ; leur sœur avait elle aussi finit son œuvre : la moindre parcelle de sa peau était calligraphiée et elle était devenue aveugle.
Les trois frères s’accouplèrent tour à tour avec Sorhna, donnant ainsi naissance à trois lignées khalimanes. Mais pendant ces étreintes, Sorhna prédit la venue d’une quatrième lignée : occasionnellement naîtraient des femelles aveugles et Sorhna revendiqua auprès de ses frères ces khalimanes comme étant de sa propre lignée. À chacun de ses frères, Sorhna donna quatre fils et quatre filles, qui a leur tour eurent chacun quatre fils et quatre filles. Lorsque vinrent les enfants de ceux-ci, Khalid, Malikh, Sorhna et Suleman revinrent au mausolée du Prophète pour, à leur tour, y mourir. À la mort de Sorhna, son arrière-­petite-fille née aveugle fut la première Khalimane de sa lignée : ce fut elle qui récupéra la peau de son aïeule avant qu’elle ne soit inhumée et en fit le livre sacré, le Kitâb min ha’Ab.

L’ère des conflits

Autour du mausolée avait été bâtie une ville : Shadukiam la Magnifique, capitale de la civilisation naissante qui s’organisait autour des quatre lignées. Les Suleman bâtissaient, les Malikh exploraient les terres avoisinantes et les Khalid développaient les lettres, les arts et les sciences. Les élues de Sorhna, quant à elles, conseillaient leur peuple : ces Khalimanes s’était en effet aperçues qu’en contemplant leur reflet dans l’eau de la lagune, elles bénéficiaient d’étranges facultés de prescience. Celles qu’on appelait désormais les pythies s’organisèrent en sororité afin d’utiliser au mieux leur don pour guider leur peuple.
Mais au fil du temps, chaque lignée se focalisa sur ses propres intérêts et en vint à oublier le mérite des autres lignées. Des tensions apparurent et dégénérèrent rapidement en une guerre fratricide entre trois lignées, les Sorhna préférant se retirer plutôt que de devenir un enjeu dans ce conflit : elles quittèrent Shadukiam et se réfugièrent dans le petit village qui allait devenir Hammarat.

On sait peu de choses sur la Guerre des trois lignées, si ce n’est qu’elle a été brève et particulièrement intense : une fois la paix revenue, les Khalimans choisirent de détruire toute trace écrite de cette guerre afin que les atrocités commises puissent trouver le pardon dans l’oubli. La guerre prit fin aussi soudainement qu’elle avait commencé, suite à une rencontre de chefs organisée par la matriarche de la Sororité et par un habile Naashti qui avait réussi à attirer par ruse les trois chefs en un même endroit. De cette même époque datent aussi les premiers contacts avec les explorateurs de la Triade de jade : sans doute ces premiers contacts avec les autres peuples de Mornea furent-­ils un précieux catalyseur pour la paix, consolidant la fraternité entre les lignées.

Cette guerre modifia en profondeur leur conception de résolution des conflits, car les Khalimans jurèrent de ne plus jamais lever leurs armes les uns contre les autres et de toujours trouver une solution dans la diplomatie. Des lignées mineures furent reconnues, afin d’honorer ceux qui, au cœur de la tourmente, avaient œuvré pour la paix. La société fut réorganisée sur un autre axe que les lignées et le calendrier des humains fut adopté : au cycle 111 naquit la République khalimane.

L’ère des diplomates

Les échanges entre les peuples de Mornea ouvrirent pour les Khalimans une ère de prospérité de six siècles. À partir du cycle 740, l’harmonieux climat de concorde céda peu à peu la place aux rancœurs et aux convoitises. Lorsque la Triade de jade fit déferler ses armées, les Khalimans découvrirent avec effarement que, sous prétexte de commerce et d’exploration, les humains avaient patiemment balisé toutes les terres qu’ils convoitaient chez leurs voisins : les bornes jin révélaient finalement leur vrai visage !
Furieux d’avoir été ainsi abusés par les enfants d’Orhöm, les Khalimans se concertèrent avec leurs alliés de toujours, les Naashtis, et se décidèrent à entrer en guerre pour mettre fin à la vague de conquête initiée par la Triade de jade : ce fut la guerre alchimique. Les pythies découvrirent alors avec stupéfaction la propriété des pierres alchimiques, copieusement utilisées par les humains, et les possibilités qu’elles offraient à leurs propres pratiques mystiques. La guerre prit très vite une mauvaise tournure : les humains étaient nombreux, organisés et bénéficiaient de l’alchimie. Les Aurloks étaient pacifiques et les Naasthis, à force de défaites, finirent par disparaître, laissant les Khalimans seuls face aux humains. En 795, la matriarche de la Sororité, Fatiha Bint Sorhna, livra alors à son peuple une mystérieuse prophétie, encore bien énigmatique de nos jours : tout au plus sait-­on que la teneur en était « il faut que tous les peuples s’unissent, non pas contre les humains mais avec eux ».

Alors que le Sénat se demandait comment appliquer cette étrange directive, le miracle survint : la Triade subit un premier revers lorsque les Aurloks sortirent brutalement de leur apathie à Gigage Gadusi, puis un second lorsqu’une partie de ses alchimistes fit sécession et fonda le royaume d’Avalon. La force de la Triade s’effrita et le secret de l’alchimie se propagea : les Khalimans apprirent alors le secret des marines et les pythies devinrent des alchimistes : les oracles. Cette révolution provoqua la découverte de l’évocation, ce qui permit aux Khalimans de jeter dans la bataille de redoutables djinns. Sentant que la Triade allait devoir renoncer, les Khalimans l’amenèrent à négocier la paix et faire refluer ses armées. Au cycle 814, le traité de Gigage Gadusi mit un terme à la guerre alchimique et concrétisa la prédiction de Fatiha. Afin que pareille guerre ne recommence jamais, le Sénat mit en place le corps des cheikhs, avec pour mission d’arbitrer tout conflit avant qu’il ne dégénère, et fit construire le canal de la Concorde pour favoriser le commerce entre les peuples : par des échanges commerciaux réciproques, les nations de Mornea gagneraient plus que ce que la guerre pourrait jamais leur apporter, tout en leur coûtant moins.
Débuta alors une nouvelle ère, dans laquelle la République khalimane veilla avec attention sur la paix de Mornea.