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Lumière pâle #3 – Lueurs 3

Jan 14 alkemy_the_game  

La jonque fluviale possédait une large cale séparée en plusieurs compartiments contenant des pièces de tissu dont les Aurloks sont friands et des tonneaux de bière parfumée pour les marchés concordiens. C’était du moins ce que prétendait le capitaine, mais les oncles étaient avertis des nombreuses contrebandes d’armes avec les guildes et compagnies privées du canal. Ils étaient même secrètement à la source de certains trafics, mais s’étaient bien gardés de monter à bord de l’un des navires qu’ils affrétaient.
Le pont de la Niàng Jiu supportait deux mats auxquels s’appuyaient deux toiles tendues horizontalement pour servir d’abri aux marins, c’est là que les trois vieux s’installèrent, avec l’aide de leur serviteur.

Le voyage jusqu’à Otsiliha fut long et ennuyeux. Sa monotonie fut heureusement interrompue à deux reprises par des arrêts de ravitaillement aux comptoirs installés sur le territoire aurlok.
Parler de comptoir est tout à fait exagéré. Il s’agit, au mieux, d’un ponton aménagé sommairement qui conduit quelquefois à un baraquement provisoire, mais la plupart du temps à un campement aurlok. Quant au ravitaillement, il serait plus juste d’appeler ça des frais de douane, voire carrément le paiement d’une rançon.

– Tu vas descendre avec le capitaine et participer aux simagrées qu’il a coutume de faire pour plaire aux bouseux aurloks, chuchota le véritable Lùo à l’un des sosies de ses frères.
– Bien oncle.
– Tu feras bien attention à respecter leur rituel, en guidant subtilement le capitaine si tu le vois commettre des erreurs. Prends bien garde en particulier à lui indiquer de pénétrer sous la yourte du pied droit.
– Il sera fait ainsi, oncle.
– Lorsque le paiement sera effectué, un des Aurloks conservera l’argent, probablement un crapaud, pendant qu’un autre terminera la discussion et ouvrira la porte de la yourte. Au moment où vous sortirez, va voir celui qui garde l’argent et propose lui de nous accompagner à Otsiliha pour la même somme.
Alors que le sosie de son frère hochait la tête, l’oncle Lùo ne put réprimer un léger sourire.

Ce sourire resta accroché à ses lèvres bien au delà retour précipité du capitaine et de sa délégation et du départ de la jonque sous les injures et les jets de boue des Aurloks.
– L’accueil des nomades n’a pas été bon, capitaine ? demanda l’un des oncles ?
– Ces Aurloks sont incompréhensibles, décréta-t-il en se tournant pour mettre fin à la conversation.
– Voilà qui a égayé un peu notre journée et l’a rendue moins inutile que prévu, pensa l’oncle Lùo.

La jonque s’accosta au port sud, plus calme et discret que le récent port du nord avec ses imposants entrepôts et l’agitation des tavernes que les dirigeants de la ville avaient placé hors du territoire aurlok, y appelant la juridiction des cheikhs.
Tout au port sud, était géré par les crapauds de la ville. Il faut avouer que seuls ceux-ci étaient capables de se mouvoir librement dans ces allées fangeuses où rien de solide ne pouvait se tenir longtemps.
Le capitaine était fortement occupé par les débardeurs qui étaient déjà en train de pénétrer dans sa cale. Il tentait de leur expliquer que, non, ces tonneaux là n’étaient pas pour la cité et que, non, non, ces caisses ne contenaient pas les tissus qu’il emmenait pour le marché d’Otsiliha. Les oncles le saluèrent donc d’un léger signe de tête, débarquèrent et disparurent rapidement de vue.