Bondissant de proie en proie, le large Khaliman faisait des ravages dans les rangs des lanciers. Brandissant leurs épées, ils cherchaient à le frapper de taille tout autant que d’estoc, mais le ghulam était trop rapide pour eux et aucun de leurs coups ne porta. Ses bras puissants maniaient son Har’salim, une terrible hallebarde, avec aisance. Chaque coup tranchait net un bras ou une tête. Cette froide efficacité renforçait davantage l’épouvante de devoir affronter ce Khaliman, bâti comme deux hommes.

Un détail attira alors mon attention : une fine trace de poudre blanche qui ressemblait à de la poussière. Mais la femme de ménage avait fait son œuvre ce matin, alors je regardai de plus près cette substance qui n’aurait pas dû être là. Une odeur d’amande…
« De la morsure lunaire ! »
Je ne savais pas ce que faisait ce poison de la Lune Blafarde dans la résidence du sénateur, mais je n’avais pas le temps de tergiverser : même s’il avait demandé à ne pas être dérangé, je devais désormais le garder à l’œil jour et nuit ! S’imposa alors à mon esprit l’image du nouveau cuisinier humain choisi par l’intendant. Je hâtai ma course et défonçai la porte du bureau du sénateur, en priant le Prophète de ne pas arriver trop tard. Mon Har’salim fendit l’air juste au moment où le cuisinier pointait une sarbacane vers mon maître !

L’origine des ghulams remonte à la naissance de la République, lorsque les premiers sénateurs furent nommés et que la règle « un Khaliman ne doit pas tuer un autre Khaliman » n’était pas encore entrée dans les mœurs. La République était encore fragile : des vétérans de la Guerre des trois lignées se proposèrent alors d’accompagner les sénateurs afin de les protéger et prirent le nom de ghulams.

Aujourd’hui, les ghulams sont pleinement intégrés à l’armée de la République, au sein du corps du Bouclier. Comme leurs ancêtres, ce sont des combattants spécialisés dans la défense individuelle, même s’ils ne se limitent plus à la protection des sénateurs. Seuls ou par paires, ils escortent toute personne que l’armée juge bon de confier à leur garde : leurs protégés sont le plus souvent des notables politiques, des diplomates en déplacement ou plus simplement des cheikhs. Leur mandat peut être temporaire ou porter sur une durée plus longue.

Si ces guerriers sont assez peu souvent confrontés au combat au profit de situations relevant davantage de la diplomatie, ils n’en exercent pas moins une tâche très difficile : il est de leur devoir de protéger celui dont ils ont la garde, même si ce doit être au prix de leur propre vie.
Les Khalimans de lignée Suleman, célèbres pour leur grand courage et pour leur sens de l’honneur, sont parmi les ghulams les plus appréciés, d’autant plus que leur large corpulence est un indéniable avantage pour un garde du corps.